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Direction d’ouvrage - dossier de revue
Lorenzo Barrault-Stella, Camille François et Anne-France Taiclet (dirs.), « La spatialisation de l’ordre politique », Politix, no 143, avril 2024 - 228 p.
Présentation du dossier :
Alors que les territoires constituent aujourd’hui un cadre volontiers mobilisé pour mesurer, exprimer et même politiser les inégalités sociales, ce dossier propose de rouvrir l’agenda de recherche des processus de spatialisation de l’ordre politique. Si l’ordre politique n’est jamais le simple reflet de l’ordre social, c’est parce que la conquête et l’exercice du pouvoir nécessitent des médiations. Et, depuis les prémices des États modernes jusqu’à la période contemporaine, le territoire en constitue l’une des plus centrales. À l’intersection de la sociologie politique et de la sociologie urbaine, le présent dossier explore ce processus de spatialisation de l’ordre politique en articulant deux angles d’analyse, qui constituent autant d’angles morts produits par le cloisonnement des disciplines et des thématiques de recherche : d’une part, la spatialisation des groupes sociaux et de leur représentation politique, qui s’inscrivent toujours dans des territoires spécifiques, dont la morphologie sociale particulière affecte la capacité (ou l’incapacité) de chaque groupe à convertir et représenter politiquement ses intérêts ; d’autre part, l’action publique, qui module aussi bien la composition sociale des territoires que la capacité des groupes ou des échelles de gouvernement à imposer, arbitrer ou reproduire les différents intérêts sociaux.
Au-delà des questionnements classiques sur la participation politique ou le pouvoir local, l’originalité de ce dossier réside dans la volonté d’articuler, à la fois théoriquement et empiriquement, le territoire – dans ses dimensions spatiales (configuration, localisation, distances), sociales (un espace social localisé, affecté par les réformes étatiques ou les mutations du capitalisme), économiques ou symboliques (comme espace de production d’appartenances) – la représentation politique (élections, institutions du pouvoir local, rapports « ordinaires » à la représentation) et l’action publique (sa consistance comme ses effets en matière de distribution de ressources et d’infliction de pertes, de peuplement, d’accès à la mobilité, de contraintes ou de profits de localisation, de chances de vie individuelles et collectives, comme en matière de production des hiérarchies sociales). Les articles analysent ainsi les maillons de la conversion politique des intérêts des groupes sociaux à l’échelle locale, à partir d’études de cas localisés et contrastés : la géographie sociale du vote dans la métropole nantaise (étudiée par Jean Rivière), la socio-histoire du pouvoir local à Nevers au prisme des évolutions du peuplement et de l’action publique municipale (étudiée par Elie Guéraut et Achille Warnant), les mobilisations collectives de parents d’élèves en Seine–Saint-Denis (étudiées par Félicie Roux) ou encore les politiques de transport dans la banlieue lyonnaise (étudiées par Antoine Lévêque). La préparation de ce numéro a été concomitante de la parution d’un ouvrage très commenté dans et hors du champ académique, qui propose d’articuler dans une perspective de longue durée les inégalités socio-spatiales et les comportements électoraux ; la discussion du livre de Julia Cagé et Thomas Piketty trouve logiquement sa place dans ce dossier, qui en donne à lire une lecture critique rédigée par Daniel Gaxie.
En définitive, ce dossier montre comment le décloisonnement des disciplines et des méthodes en sciences sociales est indispensable pour analyser les mécanismes de réfraction dans l’ordre politique spatialisé – au sein des institutions représentatives du pouvoir local comme dans les politiques publiques territorialisées – des intérêts de certains groupes sociaux au détriment d’autres.
– ISBN : 9782807380455
– ISSN : 0295-2319
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