Séminaire coordonné par
Joël Cabalion (CITERES), Mathieu Ferry (OSC), Odile Henry (CRESPPA-LABTOP), Jules Naudet (CEIAS) et Olivier Roueff (CRESPPA-CSU)
Ce séminaire propose de s’interroger sur les moyens dont disposent les sciences sociales pour penser les dynamiques inégalitaires en Inde. Il s’agit, entre autres choses, d’interroger la mesure quantitative des inégalités et ses conditions de possibilité, de déconstruire les logiques d’invisibilisation et de naturalisation des plus pauvres, de penser l’interdépendance des uns et des autres malgré l’incommensurabilité apparente de leurs situations, de comprendre comment les logiques de castes s’interpénètrent avec les logiques de classe et de genre ou de s’interroger sur les mécanismes produisant ces inégalités en termes d’oppression, de relation de pouvoir, de discrimination ou d’exploitation.
Les inégalités sociales et économiques sont tellement massives en Inde que leur question s’impose comme absolument inévitable et incontournable. Pourtant, faire sens des dynamiques inégalitaires sur le sous-continent suppose de résoudre un certain nombre de problèmes théoriques et conceptuels. Ce séminaire s’interrogera précisément sur les moyens dont disposent les sciences sociales pour les appréhender dans le cas indien. Il s’agit, entre autres choses, d’interroger la mesure quantitative des inégalités et ses conditions de possibilité, de déconstruire les logiques d’invisibilisation et de naturalisation des plus pauvres, de penser l’interdépendance des uns et des autres malgré l’incommensurabilité apparente de leurs situations, de comprendre comment les logiques de castes s’interpénètrent avec les logiques de classe et de genre ou de s’interroger sur les mécanismes produisant ces inégalités en termes d’oppression, de relation de pouvoir, de discrimination ou d’exploitation.
L’Inde abrite aujourd’hui plus du tiers des pauvres de la planète. En 2011, 21,2% de la population Indienne subsiste en effet avec moins de 1,90 dollars par jour et plus de 60% des Indiens vivent, eux, avec moins de 3,20 dollars par jour, ce qui représente plus de 760 millions de personnes. Dans un tel contexte, et face à l’urgence du « développement » et de l’« émancipation » des personnes plongées dans une pauvreté absolue, nombreux sont ceux qui portent davantage attention à la question de la pauvreté qu’à celle de l’inégalité. La question de l’inégalité est en effet parfois plus facile à soulever dans le cadre de « société salariales » dans lesquelles les individus ou les groupes sont « échelonnés selon un continuum de positions » (Castel 2009, 16) que dans le cadre de sociétés comme l’Inde où l’emploi informel – souvent synonyme de grande pauvreté – demeure la règle pour l’essentiel de la population active. La question des inégalités, jugée moins urgente et plus relative, passe alors au second plan. Pourtant, avec 101 milliardaires au classement Forbes qui possèdent, à eux tous, l’équivalent de 15 % de la richesse nationale en 2017 (Himanshu 2017), l’Inde se place en quatrième position mondiale des pays qui accueillent les grandes fortunes. S’appuyant sur des données légèrement différentes, le cabinet chinois Hurun estime, lui, que l’Inde serait même à la troisième place de ce classement. Une telle ampleur dans les écarts de conditions de vie matérielle amène bien souvent les privilégiés à penser qu’ils n’ont rien à partager avec les plus démunis. Cette conviction les conduit à banaliser, à invisibiliser ou même à naturaliser la situation des plus pauvres.
Ce séminaire proposera donc tout à la fois de développer une réflexion macrosociologique sur la façon d’appréhender les hiérarchies sociales et la stratification à l’échelle de l’ensemble de la société indienne et de développer des analyses localisées des dynamiques inégalitaires à l’œuvre au sein de différents sous-espaces de l’espace social indien. À partir des terrains d’enquête des interventant·e·s, l’ambition consiste à approfondir le cas indien pour contribuer au renouvellement des outils et des théories des sciences sociales concernant les objectivations, les mécanismes et les expériences des inégalités.
Page mise à jour le 17 novembre 2022