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Direction d’ouvrage - dossier de revue
Dominique Memmi, Emmanuel Taieb (dirs.) « L’État et la mort », Sociétés contemporaines, n°75, octobre 2009.
Quelles formes prend aujourd’hui la mort donnée par l’État ? Après un changement de fond quant à l’administration du début de la vie, aurait-on affaire au bouleversement de la gestion politique de la mort ? Et quel est le lien entre ces deux phénomènes ?
Contraception, avortement pour raisons médicales, avortement pour raisons personnelles, aide à la procréation : autant de pratiques introduites ou officialisées, mais aussi prises en charge financièrement et encadrées juridiquement, qui signalent le bouleversement intervenu, au cours du dernier tiers du XXe siècle, dans la gestion étatique du début de la vie Mais à la fin de ce processus, soit très précisément au début des années quatre-vingts s’en engage un autre. Abolition de la peine de mort, publicisation des moyens de se suicider, et solidification du mouvement euthanasique français : sous l’espèce de l’administration publique de la mort, un autre pilier de l’édifice « biopolitique » se voit à son tour fortement entamé.
Le premier processus n’est pas sans effet sur le second. Il a introduit le ver dans le fruit : la régulation du début de la vie a entraîné d’importantes recompositions du faire mourir institutionnel. Mais le développement d’autres techniques biomédicales progrès de la transplantation, de la réanimation des adultes des bébés et des f tus en avaient suscité d’autres. Plus vertigineusement, il semble bien que le rapport de l’État à la mort ait été pris dans la transformation du rapport de l’ensemble du tissu social à la mort. Devenu en quelque sorte plus « coupable » , il induit une responsabilisation des institutions, comme on le verra ici des institutions carcérale ou hospitalière.
Voilà qui réclame des sciences sociales une inventivité conceptuelle et un regard neuf, non seulement sur le « fait thanatique » contemporain (Javeau, 2005, p. 9), mais aussi, et surtout, sur son administration politique actuelle.
Car la mort ne se réduit évidemment pas à un simple fait biologique. Un ensemble de représentations, de pratiques, de procédures et de lois le confirment suffisamment aujourd’hui en déclinant la nouvelle assomption politique de la mort par le pouvoir. Celle-ci est au cœur de la repolitisation actuelle, dans ses formes inédites, des questions biologiques.