Du 15 au 16 juin 2017, Université Grenoble-Alpes
Colloque international organisé par : Perrine Curioz, Danica Djeric, Franck Gaudichaud, Alejandra Guacaran (CERHIUS-ILCEA4), Habiba Naili (ILCEA4) et Thomas Posado (Cresppa-CSU).
Responsables : Franck Gaudichaud, Thomas Posado.
Présentation
Depuis l’élection d’Hugo Chávez, en 1998, dix pays latino-américains ont choisi une alternance gouvernementale à gauche, articulée autour de projets de type progressistes ou nationalistes-populaires. Après avoir été le laboratoire du néo-libéralisme, l’Amérique latine serait ainsi devenue celui de sa contestation, avec le surgissement d’exécutifs critiquant le « consensus de Washington », dans certains cas issus de puissants mouvements sociaux et/ou de profondes crises des systèmes politiques traditionnels. Ces gouvernements ont affirmé vouloir mettre en place un projet de société alternatif aux confluences de l’héritage indigène, de l’intégration régionale bolivarienne et de l’actualisation de la visée socialiste de l’émancipation. Ceci, non sans limites et contradictions. De plus, depuis quelques années, incertitudes économiques, tensions sociales et difficultés politiques s’amoncellent autour de ces expériences, à tel point que certains auteurs y voient la « fin d’un cycle ».
Nous souhaitons nous interroger sur la conjoncture actuelle des progressismes gouvernementaux latino-américains, avec des communications organisées autour de cinq axes :
1/ Neoextractivisme et modèles de développement
Malgré l’invocation du mythe de la Pachamama, les appels au buenvivir et au « socialisme du XXIème siècle », le modèle de développement latino-américain est toujours empreint du paradigme extractiviste et néo-développementiste. Après l’arrêt de l’initiative Yasuni-ITT par Correa en août 2013 et la multiplication de méga-projets (du barrage de Belo Monte au Brésil au décet sur l’Arc Minier de l’Orénoque au Venezuela), quels sont les modèles de développement concrètement à l’œuvre dans la région ? Quelles relations entre exécutifs progressistes, élites locales et capital transnational ? Et, enfin, comment les gauches latino-américaines au gouvernement envisagent–elles cette question centrale ?
2/ État compensateur, post-néolibéralisme et politiques publiques
Les politiques publiques post-néolibérales mises en œuvre en matière d’éducation, santé ou alimentation ont permis une nette amélioration des conditions matérielles des classes subalternes (selon la CEPAL, un recul de dix points de la pauvreté entre 1999 et 2007). Quelle est toutefois la nature de ces politiques : pansements conjoncturels limitant les effets du néolibéralisme globalisé, changements structurels en construction ? Assiste-t-on à l’édification de nouvelles formes d’Etat-Providence à la périphérie du système-monde ? La notion de post-néoliberalisme est-elle satisfaisante au moment de définir les politiques concernées ? Ces politiques sont-elles pérennes dans des pays comme l’Argentine où le camp conservateur a repris le pouvoir ?
3/ Leaderships charismatiques, nationalisme populaire et mouvements sociaux
Combinant politiques redistributionnistes et leaderships charismatiques, ces gouvernements parviennent depuis plus d’une dizaine d’années à s’inscrire dans la durée. Si la stabilité politique semble à court terme garantie grâce à de solides bases électorales et la cooptation d’une partie des mouvements sociaux, une nouvelle vague de contestation se développe (grèves de salariés, résistances socioenvironnementales, manifestations urbaines, etc…). Quelles sont les ressources mobilisées lors de ces conflits, leurs répertoires d’action et impacts dans le champ politique ? Comment y répondent les exécutifs ? Quelles conséquences au sein des gauches et des systèmes partisans ?
4/ Le retour au pouvoir des oppositions conservatrices ?
Au même moment, une nouvelle opposition émerge, émancipée partiellement des partis traditionnels et établissant une stratégie de reconquête du pouvoir (Capriles au Venezuela, Lasso en Equateur ou Macri en Argentine, stratégie couronnée de succès dans ce dernier cas). Cette opposition liée au camp conservateur, tente de se démarquer de l’héritage des gouvernements des années 90, tout en s’articulant dans certains cas avec des franges « dures », insurrectionnelles ou séparatistes (Bolivie, Venezuela). Quelle est la teneur des recompositions en cours au sein des droites dans les pays gouvernés par le progressisme ? Avec quelle base sociale et électorale ?
5/ Géopolitique et recomposition des rapports de forces régionaux
L’arrivée au pouvoir de gouvernements nationalistes populaires a suscité l’hostilité de la puissance hégémonique hémisphérique (les États-Unis), pourtant, les latino-américains ont réussi à mettre en échec la zone de libre-échange des Amériques et à constituer des organes d’intégration régionale autonomes de la tutelle étasunienne (ALBA, CELAC, UNASUR, relance du MERCOSUR). Cette autonomie intégrationniste durable est sans précédent dans l’histoire du continent. Néanmoins, les perspectives bolivariennes initiales (ALBA, banque du Sud) marquent le pas et l’imbrication croissante de l’Amérique latine dans les rets du capitalisme global nuancent ce constat : qu’en est-il réellement ? Au moment où ces gouvernements connaissent une crise à la fois économique, sociale et politique et où l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche ouvre un certain nombre d’incertitudes, de nouveaux acteurs externes (Chine, certaines firmes transnationales, ou régionaux comme le Brésil) sont-il en train de redessiner les cartes d’un « nouvel impérialisme » ?
– Le programme complet est consultable sur le site du colloque : https://progresismos.sciencesconf.org
– Détail de l’appel en français et en espagnol (pdf) ici